jeudi 19 avril 2012

La tribu qui a disparu

Voici une histoire qui illustre la vie d'une société traditionnelle disparue il y a très longtemps. Cette histoire pourrait tout à fait se passer aujourd'hui; il suffirait de remplacer la tribu par une entreprise et ses façons de faire et de penser par celles qui existent à l'heure actuelle dans les entreprises. Cette histoire peut même se lire à plusieurs niveaux : à un niveau opérationnel, managérial, culturel, politique et à bien d'autres niveaux encore. À la fin du récit, il y a trois points de suspension qui vous invite à compléter une phrase qui explique pourquoi cette tribu a disparu.
Bonne lecture

Il y a très, très longtemps, vivait une tribu de chasseurs qui s’appelaient les «hommes de la terre où le fleuve rétrécit»; dans leur langue, les Kēběkwas. La tribu Kēběkwa fut fondée par un homme, Běnmin (prononcé « benminn »), « celui qui a la main sûre » (de běn, qui veut dire « sûr », « efficace », et min qui veut dire « main » et se prononçait « main » [comme une main en français] à l’origine). Běnmin était un chasseur malin et rusé, tellement malin et rusé qu’il parvenait à attraper plus de gibier que n’importe quel chasseur de la région. Mais Běnmin avait un secret. Il avait inventé des pièges que personnes n’avaient inventé jusqu’alors. Voyant cela, d’autres chasseurs, moins rusés et moins malins, ont voulu se joindre à Běnmin pour pouvoir manger à leur faim toute l’année (en ces temps-là, il faisait plus froid qu’aujourd’hui et le gibier était plus rare). Běnmin est devenu le chef de ces chasseurs et c’est comme cela qu’est née la tribu Kēběkwa.

Les Kēběkwas vécurent heureux pendant des années. La vie était rude, mais la tribu mangeait à sa faim grâce aux pièges de Běnmin. Avec les années, les Kēběkwas ont amélioré les pièges de Běnmin. Ces nouveaux pièges permettaient de prendre plus de gibier sans avoir de chasseurs blessés. La tribu s’est progressivement agrandie; parce que davantage de nouveau-nés survivaient, mais aussi parce que d’autres tribus, qui ont eu vent de l’habileté des Kēběkwas, se sont jointes à eux.

Après presque deux décennies, Běnmin se retrouva à la tête d’une très grande tribu, composée de cinq grandes familles. Avec le temps, certains chasseurs ont fait autre chose que la chasse; certains se sont consacrés exclusivement à la construction de nouveaux pièges, pendant que d’autres se sont occupés de construire des pièges pour toute la tribu; d’autres encore se sont chargés exclusivement de la réparation des pièges, parfois en les améliorant; d’autres ont même exploré de nouveaux territoires pour voir si les terres étaient plus giboyeuses ou si, éventuellement, d’autres tribus désiraient se joindre aux Kēběkwas; enfin, certains Kēběkwas, notamment ceux qui avaient des dons de guérisseur, ont veillé à ce que les membres de la tribu vivent bien.
La tribu Kēběkwa était alors prospère. Les Kēběkwas étaient puissants, bien organisés et tout le monde vivait en harmonie sous l’égide bienveillante de Běnmin.
 
Puis, les choses changèrent. Progressivement, il y eut des dissensions entre les familles, parfois au sein-même des familles. Les Kēběkwa semblaient s’entendre moins bien entre eux et la vie de la tribu commença à en souffrir. Par exemple, les Kēběkwas qui construisaient des nouveaux pièges ont commencé à se disputer avec les Kēběkwas qui construisaient les pièges pour toute la tribu parce les nouveaux pièges devenaient de plus en plus difficile à construire. Les Kēběkwas qui allaient à la recherche de nouveaux territoires ou de nouvelles alliances se sont fait reprocher qu’ils ne participaient plus vraiment à la vie de la tribu et qu’ils trouvaient de moins en moins de nouveaux territoires giboyeux. Les chefs de familles commencèrent à penser à leur famille sans tenir compte vraiment des autres familles et certaines familles ont pris plus d’importance que d’autres. Les chasseurs, les constructeurs de pièges, les explorateurs de nouveaux territoires et les guérisseurs s’organisèrent de mieux en mieux entre eux, mais eurent de plus en plus de mal à travailler ensemble.
Běnmin, qui voyait tout cela de loin, s’en faisait pour sa tribu, mais se disait que l’important était que le gibier fut abondant et la tribu prospère.
Puis, le gibier vint à manquer. Sans que personne ne sache vraiment pourquoi. Est-ce que le gibier est devenu plus rare? Est-ce que d’autres tribus ont chassé avec de meilleurs pièges? Est-ce que le gibier a appris à déjouer les pièges? Est-ce qu’il y a quelque chose dans les pièges qui n’a plus fonctionné? Les Kēběkwas cherchèrent des solutions. Ils modifièrent leurs pièges. Ils en inventèrent d’autres. Ils revinrent à des anciens pièges. Ils chassèrent d’autres types de gibier. Ils laissèrent même de côté pour un temps les dissensions entre familles et entre groupes. Mais rien n’y fit. Pendant un temps il est vrai, le gibier fut plus abondant. Mais tout cela ne suffit à retrouver la prospérité de jadis. Lentement, inexorablement, Běnmin vit sa tribu péricliter. Puis, la tribu disparut.

Les scientifiques ne savent pas ce qui s’est réellement passé. Est-ce que la tribu s’est dissolue avec le temps? Est-ce qu’elle a été absorbée par une tribu plus puissante? Est-ce que d’autres chefs ont remplacé Běnmin et n’ont pu diriger la tribu? Est-ce que les dissensions entre les familles et les groupes (chasseurs, constructeurs de pièges,…) se sont terminées en une guerre fratricide? Est-ce que la faune s’est modifiée et que les Kēběkwas n’ont pu adapter leurs pièges à cette nouvelle faune?
Les ethnologues se perdent en conjectures sur les raisons précises de cette disparition. Sans doute s’agit-il plutôt d’un concours de circonstances que de quelques raisons particulières. Grâce maintenant à l’étude ethnographique comparée, au-delà de raisons matérielles ou contingencielles, il est maintenant possible d’expliquer ce qui a manqué à la tribu Kēběkwa pour éviter sa chute, puis sa disparition. En effet, les recherches montrent que d’autres tribus ont connu des circonstances très similaires, mais n’ont pourtant pas disparu. En réalité, la raison scientifique de la disparition des Kēběkwas est simple et confine à une analyse de bon sens; les Kēběkwas auraient dû …

1 commentaire:

  1. Inventer l'écriture et nous relater ce qui s'est passé. Ou la vidéo et filmer les événements.. Mais il ne faut pas trop en demander :-)

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